Le monde a basculé, et vous?

par Ghislain Moret de Rocheprise, le 27/03/2020

Le monde change.

Le monde change. Il était déjà en mutation profonde ( écouter par exemple Marc Halevy présenter le cadre du changement de paradigme actuel https://youtu.be/epgt8wLgJ7M ), la crise du COVID-19 met un grand coup d'accélération.

Nous vivons actuellement un moment que j'appelle "l'effet Noël", en référence à l'effet de bascule qu'ont créé les trois Noëls 2003-2004-2005 sur l'adoption de l'appareil photo numérique par le grand public, et entraîné la fermeture des usines Kodak: le changement émerge, on en entends parler sans en prendre conscience, et tout à coup un événement nous amène à l'expérimenter, et nous ne revenons pas à l'ancien monde ensuite. L'évolution est une succession d'apparitions lentes et d'effets de bascule rapides. Mais la bascule n'est pas que négative: alors que Kodak disparaissait, son concurrent FujiFilm se transformait, et devenait un leader de la chimie, disposant dix ans plus tard d'un catalogue de 200 000 molécules, dont la favipiravir, une molécule qui permet la production d'un médicament antigrippal, l'Avigan, actuellement en test en Italie dans la lutte contre le coronavirus!

L'apparition du COVID-19 fait suite à d'autres virus, qui avaient depuis longtemps amené les états et les grandes entreprises à envisager des plans "pandémie". La bascule n'est donc pas tant l'apparition du scénario, mais l'expérimentation, de force, par toutes les populations du monde, de ses conséquences. Par exemple :

• le confinement,

• l'usage massif de la vidéo-conférence,

• les preuves de l'arrêt des activités économiques sur la pollution atmosphérique,

• le questionnement éthique entre sauver des vies ou sauver l'économie,

• la place ou l'absence de Dieu dans le traitement de la situation,

• l'importance de l'accès local à des ressources alimentaires et médicales face à la complexité des chaînes logistiques mondialisées,

• la différence de difficulté à organiser les gestes barrière dans certaines organisations de travail par rapport à d'autres,

• etc...

Le monde est imprévisible.

Le monde a changé, brusquement. Les comportements des gens vont se modifier, du fait de leurs nouvelles expériences, et du fait du changement de contexte économique. Et bien malin qui peut dire en quoi, et à quel rythme, ces modifications vont affecter les relations et les business models de chaque entreprise. Les prévisions faites dans l'action se révèlent généralement fausses, le futur réserve toujours des surprises. Pourtant, il est certain que les entreprises vont redémarrer, que la mécanique socio-économique va reprendre. Ce qui n'est peut-être pas clair, c'est quand et comment votre entreprise va adapter sa proposition à ce monde nouveau. Poser un plan, fixer un objectif stratégique formel dans ces conditions est très risqué. Fixer un cap pour communiquer, pour amener le groupe à refaire corps, admettons. Mais promettre la réussite en suivant un plan à 5 ans, à 3 ans, ou même à 1 an et demi, alors que le monde va continuer à nous apporter de nouvelles surprises majeures, est un pari que je ne ferais pas.

Nous avons des moyens pour agir, néanmoins.

L'effectuation et le Lean Start'up sont deux puissants leviers pour se remettre en action en situation d'incertitude totale. Ce que ces méthodes proposent, c'est d'oublier l'idée d'un plan stratégique formel, et d'accepter l'incertitude comme étant la composante sur laquelle se fonde la stratégie.

Je vous propose de devenir une entreprise opportuniste. De choisir vos combats dans le réel, pour être en action, positive, influente. De suivre l'exemple de ces entreprises, de toutes tailles, qui ont su, dés les premiers jours de la crise, réorienter leurs moyens pour les adapter aux besoins urgents du moment présent:

• LVMH qui transforme son usine de production de parfum en usine de production de gel hydro-alcoolique

• les "makers" qui impriment en 3D des supports pour faire des masques de protection avec des feuilles transparentes

• les fleuristes et les boulangers qui offrent leurs produits périssables aux hôpitaux pour soutenir moralement l'effort collectif

• les concessionnaires automobile qui mettent des voitures à disposition des soignants pour qu'ils n'aient pas à se préoccuper de problèmes de transports

• et bien d'autres, qui agissent avec ce qu'ils ont, et qui relèguent dans l'ombre ceux qui n'ont pas de moyens, et qui ne peuvent fonctionner qu'en période prévisible sur le dos des autres. Ceux que l'on commence à nommer les "bulshit business".

Le monde a basculé, et il basculera encore, sur des axes variés. La seule prévision que je retienne, c'est que le monde change, et que les entrepreneurs sont acteurs dans ce changement.

Je vous propose d'être une entreprise encrée dans le réel, apprenante, et influente.